La Cave aux Fous
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[Nouvelle d'ancienne enfance] Jour de soldes

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Message  Amalgame Sam 30 Oct - 15:08

Jour de Soldes

(Escarpins soldés à 19.99€)







Au commencement, il y eut une main.


La petite main craintive et crispée sur le seul rayon de vie qu’elle eut connu. Celle d’une petite fille, infiniment petite ; miséricordieusement fille.

Cette main disparût dans la fureur.


C’était un de ces jours sales et obscurs, où le Soleil semble s’être pendu. La faible lumière du jour filtrait à travers la vitre glauque du salon. L’atmosphère était moite et saturée d’une espèce de saloperie d’odeur de graisse âcre.
Il était 10h18 au moment de partir. La petite fille le savait car elle avait composé le numéro de l’horloge parlante, comme elle faisait souvent alors, même si cela lui était ca-té-go-ri-que-ment défendu.
Mais c’était une idée fixe pour elle – aller régulièrement composer le numéro de l’horloge parlante pour connaître les chiffres de la journée, entendre la voix douce et mécanique de la dame au bout du fil qui les lui disait, avec une patience déconcertante. Oui, jamais la voix ne s’irritait, quand bien même la petite fille appelait toutes les minutes, et parfois même, plusieurs fois par minute.
La petite fille ignorait alors ce que signifiait une minute. Elle apprit beaucoup plus tard de quoi était composée une minute : une minute était composée de soixante aiguilles affûtées qui mordaient dans la chair, s’enfonçant et perçant dans les endroits les plus susceptibles de générer la douleur.

10h18. Il-est-précisément--dix-heures--passées-de--dix-huit--minutes.
La petite fille raccroche et se précipite vers l’entrée où un dos et une main tendue vers l’arrière l’attendent. La petite fille court vers la main et y agrippe la sienne, infiniment plus petite, infiniment plus fragile.
Au même instant, en l’espace d’un éclair fulgurant, le dos se transfigura en un buste d’où jaillit l’autre main, celle à laquelle la petite fille n’était pas accrochée… une autre main siffla dans l’air avant de s’abattre sur la tempe de celle-ci, avec le bruit sourd et bref d’une porte qui claque impunément.

La petite fille chancela et se heurta contre le sol qui la reçu le plus gentiment qu’il pût ; mais un sol ne peut pas grand-chose et il le sait, étant donné qu’en tant que sol, il passe son temps à se faire marcher dessus.
Cependant, et malgré cette chute accidentelle, la main de la petite fille resta suspendu à la main qu’elle tenait juste avant, celle qui n’avait rien fait. Et la petite fille se releva aussi prestement qu’elle s’était écroulée, l’expression de son visage n’ayant en rien changé. Juste une petite plissure au bord de l’œil droit et le bourgeonnement d’une rougeur sur le coin.

*


La petite fille marchait d’un pas vif, emportée par la main qui tenait la sienne. Elle voyait un peu flou mais ça n’avait pas d’importance. La petite fille s’en fiche, elle a pour habitude de ne regarder que le sol quand elle marche dans la rue… Celle-là savait se montrer généreuse de temps à autres, lui mettant sur son passage des choses, des objets, parfaitement inutiles ou carrément providentiels, abandonnés ici où là, volontairement ou pas. Et la petite fille les attrapait au vol en tachant d’être assez agile et rapide pour saisir ce qu’elle voulait sans être remarquée par la main, qui toujours l’entraînait furieusement vers des destinations qu’elle ignorait souvent jusqu’au point d’arrivée.

Ces petites distractions que lui offrait la rue, elle en jouissait religieusement et la remerciait pour ces précieux présents dérisoires qu’elle fourrait dans ses profondes poches, histoire de les garder pour plus tard quand elle aurait tout le loisir de leur donner un nom, une fonction et une signification, comme à son habitude.
La rue était donc une alliée… Elle lui procurait ces choses merveilleuses, qui portaient en elles une aura magique, que la petite aimait à garder très pieusement.

Plus tard, elles deviendraient de grandes amies.


*


Des lumières, vives, rougeoyantes ... Le magasin enfin. Le genre d’endroit que la petite fille n’aimait pas tellement, qu’elle ne détestait pas non plus… Par certains aspects, elle n’aimait pas tellement les fois où elle était traînée jusqu’à cet endroit.
Cela lui apparaissait comme le lieu de la parfaite aliénation. Où les grandes personnes, ces idiotes de choses toute en longueur, vont et viennent, se croisent et se bousculent, parlent à des boîtes de conserves et hurlent des choses aberrantes que la petite fille ne comprenait pas toujours... Elle n’en saisissait pas moins, même inconsciemment, l’atmosphère hystérique qui régnait dans cet endroit ; alors sa main se crispait autour de celle qui l’enserrait.

En ce jour, le chaos qui y régnait était sans précédent dans la mémoire de la petite fille. Il y avait encore plus de personnes qui vont et viennent, se croisent et se bousculent et parlent à des boîtes en fer et hurlent des choses incompréhensibles.
Cela grouillait de jambes, de pieds, de pénates de toutes sortes, qui s’entrechoquaient et repartaient dans le sens où la secousse les avait projeté. La petite fille s’agrippait pour ne pas être emportée par le courant chaussé.

Tout ce qu’elle aimait quand elle était dans cet endroit était hors-champs ce jour-là.

Par exemple, la petite fille aimait plus que tout regarder la lavette de la dame en bleu danser sur le sol, et transformer celui-ci en une surface brillante et neuve. Elle demeurait des minutes entières à être littéralement hypnotisée par le ballet de la brosse, que cette dernière maniait avec fermeté et virtuosité.
Il arrivait que la dame en bleu – quand enfin la petite fille levait ses grands yeux noirs sur elle, tirée de sa rêverie par une secousse extérieure – lui souriait... Pour tout dire, elle était noire la dame en bleu, mais elle portait un habit bleu, toujours le même, alors tout-le-monde l’appelait la dame en bleu. Du moins c’est ce que se figurait la petite.

Or ce jour-là, la petite ne vit pas la dame en bleu, ni elle, si sa lavette, ni son sourire.

Elle aimait aussi quand elle se retrouvait au rayon des chaussettes. Alors elle contemplait les nuées de chaussettes tout autour d’elle et se demandait avec une curiosité amusée si il existait assez de pieds sur terre pour toutes les chaussettes qu’elle pouvait distinguer tout autour. Et réfléchissant sérieusement elle finissait par de sire que non, ça n’était pas possible, il n’y avait pas assez de pieds sur terre pour toutes ces chaussettes. Ça c’était certain.

Or ce jour-là, la petite fille aurait juré du contraire.


Les pieds, les jambes étaient partout. Les genoux cognaient régulièrement sur le visage de la petite fille, qui se maculait peu à peu de sang…
La petite fille connaissait bien les larmes rouges qui pouvaient surgir de n’importe quel endroit du corps, et cela faisait un bout de temps qu’elle savait faire taire la douleur de la chair. Elle n’y prêta donc pas attention. Cependant cela lui obstruait la vue ; de fait, elle pouvait moins bien esquiver les violents shoots qu’elle se prenait en pleine poire.


La petite fille se cramponnait de toutes ses minuscules forces pour ne pas lâcher la main qui tenait la sienne. Elle y agrippa sa seconde main pour maintenir le cap.
Mais ses mains devenaient de plus en plus moites… Elle les sentait glisser et lâcher peu à peu l’autre main, celle qui l’entraînait désormais avec beaucoup moins d’entrain que tout-à-l’heure.
Dans un mouvement de panique et de désespoir associés, la petite fille y plongea ses ongles et fermement – pour tenter une dernière fois de ne pas lâcher prise. Mais cela ne lui valût qu’une secousse accompagnée d’un juron, perçu à peine par la petite fille tant le bruit alentour était accablant. Elle en suffoquait, de cet air saturé de voix, de cris, de claquement de talons, de sons métalliques…

Alors la petite fille, achevée par un dernier coup de genoux atterrissant pile sous l’aile du nez, s’étala sur le sol, où les pieds grouillaient encore et toujours. Eux, ils continuaient leur course hérétique, certains se heurtaient sur le corps de la petite fille, trébuchaient et repartaient, d’autres écrasaient leur semelles contre le visage innocent, sans se demander ce qu’était ce petit monticule sur lequel ils venaient de passer.

Les cheveux se collaient au fin visage, buvaient le sang qui s’échappait des plaies naissantes.
Un escarpin vînt planter son talon dans le dos de la petite main. La petite fille ouvra ses grands yeux noirs, qui étaient resté fermés depuis sa chute. Mais aucun son ne filtra de ses lèvres.
Une semelle vînt finalement s’abattre contre le crâne de la petite fille ; et le dernier son qu’elle entendît fût semblable au son d’un verre brisé sous l’action de quelque liquide trop brulant, sourd, net et sec.

La petite fille ferma les yeux avec une lenteur surnaturelle, et sombra dans un sommeil qu’elle crû naïvement sans bornes. Le sol l’accueillit le plus gentiment qu’il pût…




Amalgame
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Message  MrGlace Sam 30 Oct - 15:54

Surprised ho ho
Je pensais pas que ca allait finir comme ca, c'était tout mignon au début, mais j'aime.

Au passage des chaussettes, une faute de frappe : "par de sire que non,"
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Message  Epoque Lun 1 Nov - 2:04

C'est très joli, et puis ça devient sinistre, ça finit peut-être un poil abruptement.
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